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on ze road toujours...
12 janvier 2008

le retour du pneu de la mort qui tue...

La route de Livingstone à Lusaka s’étire pendant presque cinq cents kilomètres de campagnes verdoyantes et légèrement vallonnées. Au début, elle est pas mal défoncée, ça occupe un peu , après, presque, on s’endormirait. J’avais prévu de faire ça en deux étapes, de me trouver une petite piaule au deux tiers du trajet, d’y travailler un peu et d’arriver à peu près frais à l’Alliance Française le lendemain matin. Il pleut beaucoup ici. En Angola et en Namibie, on se plaignait du manque de flotte…ici non. Il paraît même que c’est une année record. Je me tape trois ou quatre grosses saucées, puis je sèche, puis je me remouille. L’eau qui tombe brutalement sur le goudron chaud, ça crée des étranges volutes de vapeur qui donneraient presque l’impression que la route se consume. Et moi avec elle…

                                 horizons_obscurs

Heureusement l’imprévu survient toujours avant la consumation. La moto commence à godiller bizarrement, un peu comme dans du sable mou, ça sent le retour du problème de pneu. J’imagine déjà le lecteur narquois prêt à ironiser sur que, oui, bon, voilà, avec mon pneu chinois posé à la hâte l’année dernière et bien je l’avais bien cherchée ma crevaison. Pourtant, non, à peine sorti de l’Angola, j’ai pensé à remettre mon ancien pneu presque usé que je gardais en cas de défaillance du petit chinois. Je me disais que je l’achèverais pendant deux mille bornes de bitume et qu’après, pour retrouver la piste au Mozambique, je ferais l’opération inverse pour pouvoir affronter une éventualité boueuse avec des tétines à peu près en bon état. Tout ça me semblait puissamment raisonné, voire étonnamment tactique, pour quelqu’un comme moi. Mais les choses ne se déroulent jamais comme prévu.

Mon ancien pneu, c’est un Michelin Désert qu’il s’appelle, le Michelin Désert est au pneu ce que le tank est à la Renault Twingo, mais je sais très bien pour en avoir vu plein des explosés sur la route du sud de l’Angola que le tank n’est pas infaillible. Normalement, quand on crève avec un pneu comme ça, il y’a toujours moyen de rouler doucement jusqu’à la prochaine agglomération pour y trouver un pro du démonte pneu comme on n’ en croise que sur ce continent. J’ai fait ça plein de fois. Je continuais donc mon chemin tranquille et confiant, bloqué sur un bon petit quarante à l’heure, le nez au vent ; mais cette fois-ci, ce ne fut pas comme d’habitude… Le pneu a fini par s’ouvrir en deux et je me suis échoué comme j’ai pu dans le premier village. L’attroupement habituel s’est très vite constitué, et bien sûr, on y trouvait un nombre impressionnant de spécialistes du démontage de pneu. Dans ces cas-là, même si un doute profond s’installe très vite, autant laisser faire le destin . À voir comment ces spécialistes zélés se sont acharnés, il semblait évident que le bilan final de l’étape du regonflage risquait d’être plutôt désastreux. Je n’osais imaginer l’état de ma chambre à air de secours, après le déchaînement au burin sur démonte pneu auquel je venais d’assister. Finalement un des spécialistes est parti en taxi avec ma roue pour aller en consulter un autre à la ville voisine. Je lui ai filé des sous, je ne sais pas vraiment combien parce que le billet de banque Zambien c’est quelque chose de très spécial ; ça va du cinq cent Kwachas qui correspond à rien du tout au cinquante mille qui vaut beaucoup plus mais je ne sais pas combien. Tous ces biftons ont vaguement la même taille et la même couleur et sont souvent défraîchis jusqu’à l’illisible, surtout que le crépuscule était tombé brutalement. Il m’en restait néanmoins suffisamment pour offrir quelques coups à boire à ces innombrables spécialistes. discussion_dans_la_case_cop

Au milieu de la bande, il y’avait un petit monsieur timide, professeur de son état, qui m’a proposé de passer la nuit dans sa modeste case en béton sur les hauteurs du village. Le temps que ma roue revienne de son voyage en solitaire, j’ai eu largement le temps d’installer ma couche rudimentaire chez Moïse et son pote Eugène. Jeunes disciples de je ne sais plus quelle secte adventiste américaine, ils ont commencé à me brancher sur Jésus, la trinité et tout le bordel, ce qui déjà avait le mérite de m’éviter les éternelles questions sur le contenu de mon réservoir et la valeur de ma bécane. J’ai pu, dans un Anglais rudimentaire, leur exposer consciencieusement ma version panthéiste du grand bazar mystique. Entre-temps, ma roue était revenue de vacance, on l’a remontée à la lampe de poche ensuite tout le monde est allé se coucher. Le lendemain, après un copieux plat de riz au pudding, j’ai repris la route après que mes hôtes m’aient chaleureusement remercié pour notre conversation de la veille.

Tiens, si je reviens dans le coin, je lancerai peut-être une nouvelle secte, j’ai déjà deux disciples, c’est plutôt bien parti…

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