mise à jour...
...à tous ceux à qui l'idée viendraient de venir voir où je suis passé sur ce blog3, qu'ils aillent vite cliquer sur mon blog4 dans la colonne des liens, comme ça on se rejoint à Maputo et on continue la route!
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Maputo est sans doute la capitale africaine la plus
agréable à vivre…il y règne un sorte d’ambiance différente d’ailleurs, on
pourrait presque croire que c’est une ville paisible au bord de l’océan…et sans
doute que ça l’est un peu. Pour ma dernière soirée africaine je suis allé à un
concert d’électro punk au centre culturel ; je ne suis déjà plus vraiment
en Afrique.
C’est quand même étrange, ça fait trois fois que je
termine avec la moto désossée dans un coin de garage africain et une
interminable liste de pièces à ramener l’hiver d’après. Sans doute que c’est
comme ça, que je ne peux rien y faire, qu’il y’ aura toujours un secret
mécanique à découvrir pour connaître parfaitement ma monture et que quand tous
les mystères du vieux flat Béhème auront été résolus, quelque chose aura été
accompli et je pourrai passer à autre chose. J’ai donc noté scrupuleusement
tout ce que je devais ramener et aussi l’itinéraire que je me réservais pour la
prochaine étape. Essayer d’éviter les pluies, de prendre plein de pistes
nouvelles et de rencontrer encore des tas de gens inattendus au rythme de
pannes stupides…Mais tout ça, ça s’ra une autre histoire…
demain, je pars à l'aube pour les derniers cinq cent bornes, on se retrouve au bord du même océan mais dans une ambiance moins Surfing Africa...
À Inhambane, la petite ville portugaise à vingt bornes de Tofo, il y a le centre Apopo. Ce centre a été créé par un belge un peu allumé qui a décidé de dresser des rats pour la détection des mines anti-personnelles. Tous les jours on promène des rats géants de Gambie, reliés par une petite laisse à des cordes qu’on passe au-dessus de terrains minés soigneusement délimités en parcelles identiques. Quand le rat trouve une mine, il gratte la terre alors on le rappelle pour lui filer une banane en récompense.
Pour les plongées, Christophe s’organise avec les quelques clubs installés ici. Quand il m’a dit ça, je n’ai pas pu empêcher de monter en moi une certaine pointe d’inquiétude. Je suis déjà allé jeter un coup d’œil aux centres de plongées Sudafricains et je dois dire que le côté légèrement paramilitaire de leur organisation m’avait laissé tellement perplexe que j’avais préféré passer mon chemin, à côté les clubs de l’Ecole Française, c’est le club Dorothée. Je commençais donc à faire mes bagages pour reprendre la route un peu désespéré quand Christophe m’a retenu en m’apprenant que chez diversity Scuba on trouvait des Portugais , des Anglais, des Australien et même un moniteur Mozambicain et un barman Israélien…un club totalement cosmopolite quoi ; d’ailleurs à Praia de Tofo on parle toutes les langues, on passe de l’une à l’autre sans réfléchir, on réinvente l’Espéranto. Christophe qui était si fier d’avoir si bien appris le portugais en arrivant ici, il y a six ans est toujours un peu énervé quand il parle avec les gens du coin un Portos impeccable et que eux, s’appliquent à lui répondre en anglais. Mais chacun est finalement fier de parler la langue de l’autre, il faudrait juste qu’on ne se retrouve pas avec la langue du colon et celle du colonisé. Les vieux schémas menacent toujours de se réimplanter en Afrique…
Bon, c’est vrai que quand j’ai vu la tronche de Steve, avec ses dred’s blondes et sa tronche d’allumé, je me suis dit qu’ici, ça allait être cool. Ben, pas tant que ça finalement…Au démarrage, pas de ponton de papy, il faut pousser à la main le gros zodiac échoué sur la plage jusqu’aux premiers rouleaux, puis se hisser dedans à toutes blindes et c’est parti dans les vagues. Après cinq minutes, on croise un requin baleine : allez, tous à la flotte avec masque et tuba… ça traîne pas ici. D’ailleurs, on a dû l’énerver le gros poisson, il a directo plongé vers le fond et tout le monde est remonté pour redémarrer à plein gaz des deux moteurs du zodiac. Un peu plus loin, on s’équipe et à «un, deux, trois, go » tous à la flotte en même temps par culbute arrière et directo, on palme vers le fond pour éviter les courants que si t’y fais pas gaffe, ils t’emmènent direct au pôle sud. Entre dix et quinze mètres, la houle est toujours bien là . On dirait que c’est pour se marrer que Julius, le mono du Moz, insiste pour nous montrer des bestioles de deux centimètres incrustées dans la roche pendant que la houle nous balance allègrement les uns sur les autres ; moi qui voulais une première plongée à la cool, je suis super gâté. Pendant que je m’énerve à réajuster mon masque taille hydrocéphale qui se transforme en aquarium toutes les trois minutes, il y’a tout autour de moi, un tas de machins colorés qui se baladent . Des gros qu’on croirait peints à la main, des petits en bancs serrés au milieu desquels c’est plutôt planant de se laisser bercer par la houle mais Julius a toujours envie de rappeler tout le monde pour aller mater une micro poiscaille sous un caillou coloré. Bon, je médis un tout petit peu sur les bords, sous le caillou il y’avait une grosse tortue marine en train de faire la sieste, puis un poisson crocodile un peu planqué et même une langouste que celui qui arrivera à la choper celle-là, il fera bouffer sa famille toute la semaine avec ! On remonte très lentement ; Julius nous en fait des tonnes dans la conscience professionnelle, genre un palier tous les dix centimètres. J’ai le temps de vider quarante mille fois mon masque et nous voilà repartis à donf dans les grosses vagues pour finir en échouage sur la plage un peu façon débarquement de Marines pendant la guerre de Corée… mais c’est sans doute juste l’impression d’un plongeur du dimanche qui a dix milles bornes de bécane dans le cul et qui voulait juste une plongée de remise en forme…
Le lendemain à sept heures et demi je rame un peu au débriefing , on est lève tôt ou on ne l’est pas. Julius recommence son topo d’hier en me fixant à mort du regard parce que c’est un peu moi le bras cassé de la palanquée. C’est qu’il me ferait peur celui-là ! A un moment donné je lui ai quand même dit que j’y comprenais que dalle à son baratin, alors Alice la petite blonde au look de surfeuse m’a pris en charge. Il faut toujours avoir l’air désarmé quand on se fait débriefer par un black culturiste, ça réveille l’instinct maternel des filles, même pour les vieux motards burinés. J’ai donc fait une plongée sans faute, c’est normal, on a toujours envie d’épater les Alice. On a croisé une tortue qui est venue nous saluer tout près, une murène énorme, une balèze de langouste avec ses petits en coloc dans un trou avec une famille murène monoparentale ; même chez les poissons on vit plus pareil , on a changé de morale de vie. Après plein de gros trucs fluos, on a eu droit en finale à une grande raie, pas manta du tout, mais qui a néanmoins vachement épaté tout le monde parce que c’est un modèle qu’on ne trouve pas sur les côtes africaines , elle aussi, a pas dû écouter son mono et puis se faire entraîner par les courants depuis l’Australie.
C’est l’histoire de trois mecs qui vivent leur vie en Afrique, plus un quatrième qui n’en vit qu’une partie. Le quatrième c’est moi ; chaque hiver, je récupère ma bécane là où je l’ai abandonnée l’hiver précédent et je traîne mes pneus un peu au hasard du continent, en fonction des hasards qui s’offrent à moi et qui ne sont souvent rien d’autre que des cadeaux du destin. Il y’a quatre ou cinq ans, j’étais passé en Namibie où m’avait emmené une enquête que j’improvisais alors pour un éditeur parisien sur les auteurs de bandes dessinées d’Afrique. La Namibie n’est pas un pays qui regorge de talents artistiques , on y trouve nettement plus des jeunes aventuriers qui roulent leurs bosses et parfois la pose, comme un scarabée du désert. C’est ce qui est arrivé aux trois autres. Ils ont tous débarqué aux pieds des dunes du Namib, vers le milieu des années quatre vingt dix.
Le premier s’appelle Emeric, c’est une sorte de personnage de roman. Un fils de bonne famille , un héros proustien qui un jour, à une espèce de concours à la con, a gagné un séjour au Sénégal. Il n’en avait pas grand chose à Péter de l’Afrique. Il y’est allé comme ça, par désinvolture romanesque et dix ans après il n’était toujours pas revenu. Le second n’est pas vraiment un prolo non plus. Il a grandi à Bruxelles et, à vingt ans, a un peu tout plaqué lui aussi. Mais il est allé moins loin. Un Belge quand ça cherche à vivre dans la jungle, ça commence toujours par leur forêt vierge à eux, les sombres futaies des Ardennes. Là, quinze ans après ses aînés des glorieuses Seventies, Vincent redécouvrait le plaisir du riz complet et des navets du jardin, il se glissait petit à petit dans la peau d’un vieux bab pouilleux, mais sa grande sœur est venue changer sa vie. Elle, elle avait suivi une trajectoire dont sa famille était beaucoup plus fière, elle faisait des affaires dans l’hôtellerie Namibienne, là bas, au sud ouest du continent, ce coin complètement insolite où l’Afrique parle encore l’allemand de ses premiers colons. Elle avait besoin d’un coup de main, la frangine, alors elle a fait venir le petit frère qui n’est jamais retourné dans les Ardennes lui non plus.
Le troisième c’est Christophe. À force de grimper sur les pylônes EDF pour en régler l’allumage et la carburation et de regarder cet horizon, si attirant, là-bas au sud , il a fini par se prendre un année sabbatique pour aller voir un peu plus loin, à quoi ça ressemblait au sud du sud. Le hasard l’a emmené en Namibie. Inévitablement pendant toutes ces années passées dans le même pays, ces trois-là qui chacun à sa façon, bossaient dans les mêmes structures touristiques, ont fini par se rencontrer. Ils ont commencé à avoir envie de faire quelque chose ensemble et pourquoi pas, pour une nouvelle expérience : tenter un truc dans un nouveau pays. Même si deux d’entre eux avaient déjà fondé une famille au pays des dunes, ce n’est pas ça qui allait les arrêter. Ils avaient entendu parler de ce Mozambique aux deux milles cinq cent kilomètres de côtes, qui était enfin sorti de vingt ans de guerre et ne demandait qu’à faire venir des gens de l’extérieur qui avaient envie d’investir dans la reconstruction, comme on dirait à la téloche. Beaucoup de Sud africains ont trouvé là l’occasion de fuir un passé trop pesant pour retenter un départ ici. Il y’a aussi des blancs du Zimbabwe qui se sentaient un peu menacés par le régime d’un Mugabe un peu trop vieux et carrément caractériel, qui eux sont plutôt partis dans le nord et puis enfin trois francobelges plein de punch qui ont emmené Babeth avec eux. Babeth était en Namibie depuis l’indépendance du pays en quatre vingt onze. Elle y a débarqué comme chauffeur, elle sait y faire Babeth avec les professions de garçon, alors le trio a décidé de l’emmener pour si des fois ils avaient besoin de quelqu’un pour faire vigile ou garde du corps ou conducteur de bulldozer.
Y’a vraiment pas beaucoup de monde sur cette longue route qui traverse le Mozambique du nord au sud. Les paysages sont toujours jolis quoique pas vraiment variés. On se demande toujours où vont et d’où viennent ces gens qui marchent au milieu de rien, mais finalement pour avoir la réponse, il suffit de les prendre en stop. Le premier, il venait de son village et allait à l’école. Il en faut du courage pour aller à l’école dans ces contrées; six kilomètres à pied en plein cagnard et pareil au retour, il doit pas rester des masses d’énergie pour se taper les devoirs. Le second avait un parcours plus dense, il venait de Dar El Salaam, capitale de la Tanzanie qu’il avait quittée juste six jours plus tôt. Il a pas traîné le mec, ça doit être à deux ou trois mille bornes de l’endroit où je l’ai chopé. C’est là que j’ai compris qu’il n’a pas tout fait à pied, sinon il aurait mis un peu plus de temps. Il va à Maputo rendre visite à son frangin, peut être juste un week-end et puis il remonte, j’en sais rien, il ne m’a pas dit. Il a dû se dire qu’avec une moto il allait exploser sa moyenne. Surtout que comme d’habitude quand je me suis arrêté à côté de lui, il a, comme tous les autres, regardé le compteur en disant « ouuuh, two hundred kilometers per hour, houuu… » parce qu’en Tanzanie on parle anglais. Des fois j’essaye de leur expliquer qu’avec les compteurs c’est comme avec les journaux, ce n’est pas parce que c’est écrit que c’est la vérité…je suis assez fier de ma petite métaphore qui parfois décroche un certain succès, mais bon aussi, c’est vrai, des fois j’en ai un peu marre de dire toujours la même chose. Mon passager n’a pas dû être content, rapport à sa moyenne, quand j’ai crevé du pneu arrière. Mais je n’ai mis qu’une heure à réparer et il m’a bien aidé à regonfler avec la petite pompe. Mais quand la nuit s’est pointée, moi j’ai été très content de tomber pile sur un petit motel au milieu de rien à côté d’une station-service. J’avais envie d’une bonne douche et de repos, lui il croyait sans doute que j’allais rouler toute la nuit; pas de bol, quoiqu’on puisse en penser, je ne suis pas un stakhanoviste de la moyenne. Maintenant, je suis au bar paillote en train d’écrire ma vie, il n’ y aurait pas, comme d’hab, de la musique à la con, ça serait une ambiance parfaite… le stoppeur vient de me rejoindre pour partager ma bière. Il n’a pas trouvé de camion bienveillant à la station-service et moi je crois bien que je viens d’hériter d’un squatteur.
Au petit matin, Solomon s’est levé discrètement. Il ne m’a pas tranché le cou pour partir avec ma moto comme me l’avait prédi la taulière, il m’a juste remercié et a disparu en quête d’un camion pour Maputo. Quelles mauvaises langues ces taulières ; d’ailleurs elle a essayé de m’entuber sur le change, heureusement que je commence à m’habituer !
J’ai fait le plein à Vilhanculos, petite ville côtière un peu à l’écart. C’est pas très joli, c’est même carrément moche, mais la mer y’ est étonnement turquoise et ils sont en train de retaper le vieil hôtel années trente qui est juste à côté, je note ça comme étape pour la remontée l’année prochaine. Ensuite la route devient carrément pourrie avec des trous partout, des camions qui font du slalom et des mômes qui font semblant de reboucher avec de la terre pour essayer de gratter quelques pièces aux bagnoles de passage. Autour c’est de la savane et au dessus un gros nuage tout noir. Cet abruti a bien essayé de nous la rejouer « rain season », mais ça n’a pas duré trop longtemps. Quand on passe le panneau qui indique le tropique du Capricorne, la route redevient belle, la pluie s’arrête et le paysage se transforme en d’interminables palmeraies avec juste quelques manguiers pour varier un peu.C’est étonnant, on dirait que ce simple panneau est une porte spatio-temporelle, tu le dépasses et y’a tout qui change d’un seul coup. L’étape du jour c’est la Praïa de Tofo ; je dois y retrouver Christophe, un français que j’avais rencontré il y’a six ans et qui organise maintenant des séjours plongée au milieu des gros poissons. Avant d’arriver, pour être un tout petit peu frais, j’ai tenté de faire une sieste sous un manguier bien ombrageux, mais après dix minutes j’étais de nouveau en train d’expliquer mon itinéraire, la contenance de mon réservoir et que, non, je n’étais pas SudAfricain…alors j’ai repris la route pour les quelques kilomètres restant.